Bien du changement dans la durée des voyages
Micro-tripping, Set-jetting et Gig-tripping : tous ces termes réfèrent à des voyages d’une durée maximale de quatre nuits organisés autour d’un événement particulier. Ben Phillips, directeur de groupe, stratégie, chez Mekanism, à New York, a remarqué que cette tendance s’amplifie. « Il y a des gens qui font des voyages-éclairs d’une journée ou d’un week-end ou encore qui prennent un train très tôt pour l’aller et un autre très tard pour le retour », précise-t-il.
Cette tendance est particulièrement populaire auprès la génération Z. Plusieurs de ces jeunes ont effectué trois voyages de loisir ou plus au cours de l’année précédente, selon la firme de recherche Morning Consult. Chaque destination visitée représente une occasion de publier du contenu sur les médias sociaux et de stimuler l’engagement de leur communauté, ce qui les rapproche du statut d’influenceur·euse·s.
Judikaela Auffredou, vice-présidente, stratégie, chez Cossette, explique que « les jeunes générations préfèrent généralement la rapidité et la multiplication des expériences. Elles feront de courts voyages toute l’année, en privilégiant les endroits les plus instagrammables. » D’un autre côté, « cette génération est considérée comme la “génération raisonnable” en raison de l’importance qu’elle accorde aux enjeux sociaux et à un mode de vie sain, incluant une consommation d’alcool plus raisonnable1 », comme le détaille The Guardian.
La tendance du Micro-jetting gagne également les autres générations. « Au troisième trimestre de 2023, 52,3 % des Nord-Américain·e·s ont mentionné leur intention d’effectuer des vacances de type miniséjours/longs week-ends (un à quatre jours) dans leur pays au cours des 12 prochains mois. Cela représente une augmentation notable de 14,9 % par rapport aux 45,5 % enregistrés en 2022. » Quant aux familles, elles abandonnent de plus en plus leurs traditionnelles vacances de deux semaines pour effectuer deux ou trois séjours plus courts2. »
À l’opposé, d’autres préfèrent voyager moins souvent, mais plus longtemps. C’est surtout le cas des baby-boomers, qui disposent de plus grands revenus et de plus de temps. Un sondage international réalisé par YouGov en 2023 a révélé que 10 % des gens voyagent plus longtemps (une tendance qui devrait augmenter de 10 % d’année en année3). De son côté, une étude d’Evolve indique que les touristes de plus de 40 ans sont près de cinq fois plus susceptibles de réserver des escapades de plus de deux semaines que les plus jeunes.
Les baby-boomers démontrent de plus en plus d’intérêt envers les immersions culturelles et souhaitent donc prolonger leurs séjours dans un seul lieu pour vivre une expérience plus authentique. Ces personnes sont également très conscientes des conséquences du surtourisme et cherchent à avoir un effet positif sur les endroits qu’elles visitent. Le fait de rester plus longtemps à un endroit leur permet d’intégrer à leur itinéraire du transport en train ainsi que des randonnées à vélo et même à pied. La destination n’est plus l’unique but à atteindre : s’y rendre devient une partie intégrante de l’expérience.
Le train est un moyen de transport idéal pour réduire son empreinte carbone sans sacrifier le plaisir de voyager. Appuyée par son équipe, Erin Georgieff, directrice associée chez Citoyen à Mission Viejo, en Californie, l’a constaté en travaillant avec Rocky Mountaineer, qui offre un service de transport en train de luxe dans les Rocheuses canadiennes.
Le tourisme lent est hautement compatible avec le bien-être. Cette année, plusieurs opteront donc pour des retraites d’ayahuasca ou encore des ateliers ayurvédiques. Sans oublier le précieux sommeil. Le rapport Hilton Travel Trends 2024 révèle que les touristes britanniques feront du sommeil leur activité prioritaire pour leurs prochaines vacances (33 % contre 19 % pour la vie nocturne). Hilton possède d’ailleurs une équipe entière spécialisée dans le choix et l’agencement des matelas, oreillers et literies afin d’offrir le plus de confort possible à toute la clientèle.
Alors que le voyage d’affaires et de loisir combine le meilleur des deux mondes en un court séjour, nous assistons également à une croissance du mouvement des nomades numériques, qui permet de travailler à distance tout en voyageant. D’ici 2035, le nombre de nomades numériques devrait atteindre le milliard4. À l’heure actuelle, 58 pays (soit 37 de plus depuis les trois dernières années) proposent un visa de nomade numérique ou un visa équivalent5.
Le fait que de plus en plus de personnes combinent travail et voyage ouvre la voie à la colocation collaborative, un mode d’habitation offrant hébergements chaleureux, communauté et possibilités de réseautage, et ce, à court ou à long terme. Selina, l’une des entreprises les plus importantes dans ce domaine, affirme utiliser sa « connaissance approfondie des endroits qu’elle propose pour créer des milliers d’activités et d’expériences authentiques dans plus de 110 destinations à travers le monde6 ».
Si ces tendances opposées perdurent, quel secteur de l’industrie du voyage et du tourisme devra se réinventer pour conserver sa raison d’être? Se pourrait-il que, prochainement, seules les jeunes familles s’offrent des vacances de deux semaines, et ce, à cause des congés scolaires des enfants7? Est-ce que les gens prendront plus de vacances tout au long de l’année, en dehors des hautes saisons, alors que les adeptes du Micro-jetting et du tourisme lent sautent sur les bonnes affaires et les destinations moins fréquentées? Nous demeurerons à l’affût.
1 Guardian article: ‘Generation sensible’ risk missing out on life experiences, therapists warn, 2023
2 Skyscanner Horizons: The outlook in 2023 as travelers redefine value
3 EHL Insights https://hospitalityinsights.ehl.edu/what-slow-tourism
4 https://www.internationalaccountingbulletin.com/features/over-1-billion-digital-nomads-by-2035/
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